Mise à jour : 2015
___ Les carnets de bord de Martine___

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Carnet de bord 2005

LOGOS à CHYPRE




DEUXIÈME PARTIE : du 9 juin au 26 juin 2005

9 et 10 juin 2005
« De la Terre Promise à l’Ile d’Aphrodite : 200 milles, vent dans le nez ! »



7 heures : une longue escale en Israël de trois semaines s’achève. Il est temps de reprendre notre route avant d’être complètement sédentarisés (c’est fou ce que l’on prend vite des habitudes lorsque l’on ne bouge plus!). La veille, photo souvenir avec Nava et rendez-vous pris avec Léa, sympathique douanière de la marina pour un check out dès l’ouverture de son bureau car, étant donné la distance à parcourir, il nous tarde de nous mettre en chemin.
Comme un ballet bien réglé, nous serons deux à quitter simultanément le ponton, ce confortable abri. « Bossa Nova » est aussi pressé de partir pour Chypre. Cependant nos routes divergeront rapidement. Sur les conseils de « Tololea » nous avons opté, si la force du vent le permet, pour un cap Ouest ; eux ont choisi l’Est, plus favorable pour rallier Chypre, mais avec ensuite une longue remontée de l’île.
Nous voilà partis :

Dès les premiers milles, un appel VHF des autorités israéliennes pour contrôler notre position (les routes de navigation sont réglementées) puis,
* 200 milles vent debout !
* 200 milles à lutter avec voiles et moteur pour maintenir une vitesse raisonnable (5 nœuds) !
* 36 heures à nous demander si nous n’allions pas, nous aussi, devoir opter pour le Sud-Est. Le capitaine comme d’habitude fait face mais l’équipière est moins ardente !!!

18 heures le lendemain : entrée dans le petit port de PAPHOS. Les appontements signalés par l’Imray (livre bible de navigation) et par Tololea ont été squattés par la « Marine Police » et par les bateaux pour touristes : daily trippers (en français : P…C…), sans compter les barcasses de pêcheurs dans tous les sens. Apparemment un vrai port grec !

Dur ! dur ! après la fatigue de la nav ! Et personne pour nous informer. Nous en étions presque à nous attacher à une bouée qui semblait libre au milieu du port… il s’agissait de l’oringage d’un voilier hollandais… pas tout à fait souhaitable !
C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés amarrés par l’arrière à un petit ponton flottant, au milieu du port, sorte de solarium avec une position stratégique remarquable (360° de visibilité, rien de ce qui se passe dans le port ne nous échappe !!!). L’ancre avant est quelque part dans le fatras de grappins des pêcheurs.
Ici chacun semble faire comme il peut… En tout cas personne ne nous dit rien.
Une rapide visite aux autorités chypriotes… un peu tardive car elle nous coûte 40 euros pour une arrivée en dehors des heures de bureaux : 8 heures-14 heures et obligation pour le douanier de se soustraire à son doux farniente…
Difficile d’être dans les temps à moins de passer deux nuits en mer, ou de venir de Turquie. Bien sûr, ne pas se risquer non plus un week-end !!! Heureux bureaucrates !!!
Enfin tout va bien, nous sommes en règle et Logos est casé !

11 juin 2005
« Une Aphrodite très anglo-saxonne. »

Un peu secoués par notre traversée, nous nous octroyons une journée farniente avec reconnaissance des lieux.

Tout d’abord ce petit port bon enfant, animé par le va et vient des barques de pêcheurs qui ravitaillent exclusivement les nombreux restaurants du bord de mer. Un port chargé d’histoire, avec son brise lame phénicien au trois quart submergé, son fort médiéval construit sous les « Lusignan » (famille franque ayant régné sur Chypre pendant trois siècles, après que Richard Cœur de Lion s’en fut dessaisi) et son remarquable site archéologique. Un pélican facétieux anime le front d’un restaurant, le bien nommé « Pelican Restaurant ».


Un aquarium un peu désuet si on le compare avec celui d’Eilat, présente néanmoins une faune marine assez riche.


La promenade du bord de mer avec palmiers est animée par de petits marchands discrets. Pas de grands buildings agressifs, pas de flonflons nocturnes. Une ambiance très ville de province (en bord de mer), mais de province anglaise si nous en jugeons par ce que nous entendons. On se rend vite compte que, bien que Chypre ne soit plus colonie anglaise depuis 1960 (instauration de la République Chypriote après 82 ans de domination), nos chers britanniques se sentent encore chez eux : bases militaires, conduite à gauche, appellation de la monnaie (livre chypriote), langue véhiculaire, boites aux lettres au sigle d’Elisabeth II…
Nous les comprenons un peu tant l’île d’Aphrodite, par la douceur de son climat, ne souffre aucune comparaison avec la froide Albion.

Car c’est bien ici, dans ce petit paradis, qu’Aphrodite, déesse de l’Amour et de la Beauté est née de l’écume de la mer soulevée par Zéphyr, puis a aimé son Adonis. Une belle histoire pour midinette ! Tout ici est aphrodisien. : bains, rocher , temple , statues… et peut-être aussi aphrodisiaque quand il s’agit du vin chypriote dont nous avons pu, au cours de notre virée dans la région des vignes, faire une petite provision.


Un petit verre de vin facilite souvent les rencontres et les échanges d’informations à ne pas négliger.
C’est ainsi que, dès midi, nous nous retrouvons à bord de Zeeling, le voilier hollandais aperçu la veille. Son équipage, Pauline et Chris, ne nous tiennent pas rigueur de l’inquiétude que nous leur avons causée. Il faut avouer que ce très sympathique couple de géologues « free-lance » en ont vu d’autres : 8 mois en Mer Rouge, Israël… en fait souvent des escales « gagne-pain », selon les offres rencontrées : forages, études géologiques…
Tout sauf une vie monotone et surtout cet immense besoin de se sentir libres : « gagner sa vie mais pas travailler dans la contrainte » ! Deux personnages attachants que nous aurons plaisir à peut-être croiser en Turquie… ou en Crête, île de leur résidence « fixe ».
Dans la soirée, grâce au guide et la carte routière achetés, un programme de visites se dessine avec l’aide de Zeeling montés à bord de Logos pour un apéritif « voyage » : pastis franco espagnol, vin et amandes d’Israël, maïs grillé turc, saucisson français, crackers d’Egypte…


12 juin 2005
« De magnifiques mosaïques »

Nous sommes à deux pas du site archéologique, ruines d’une cité romaine construite face à la mer et présentant de remarquables mosaïques encore au sol d’anciennes demeures : Dionysos, Thésée, Orphée y sont honorés.


Une longue promenade archéologique que nous prolongeons par la visite de la basilique byzantine de Krysopolitissa, élevée près d’une colonne où, en 45 après JC, saint Paul aurait été attaché pour être flagellé avant de réussir sa mission d’évangélisation auprès du gouverneur romain en place.


Quel bel exemple de persévérance, quel infatigable voyageur que ce saint Paul, omniprésent en Méditerranée.


Et puis les catacombes, refuge des premiers chrétiens, partiellement transformées en église et objet d’une dévotion renforcée par la présence d’un arbre dit « arbre sacré de Trimythie » comme fleuri en permanence par les intentions de prières en vue de guérison accrochées à ses branches. Visite émouvante.
Une voiture est retenue pour le lendemain… angoisse de Pierre qui se souvient de l’expérience maltaise… « Deux jours, je pense que cela suffira ! »

13 juin 2005
« À gauche toute ! »

Les premiers kilomètres au volant de notre Volkswagen Polo sont un peu tendus. Serrer la voiture à gauche (panique de ma part, il me semble que nous allons heurter les véhicules en stationnement), ne pas se laisser impressionner par ceux qui viennent en face, changer les vitesses de la main gauche… autant de nouveaux réflexes qu’il faut acquérir vite.


Heureusement les chypriotes ont eu une idée de génie : toutes les voitures de location ont une plaque d’immatriculation rouge tandis que la leur est jaune ou blanche… alors ils font attention, si par hasard, le conducteur n’était pas britannique… De toute façon, étant donné la moyenne d’age de certains retraités anglais, c’est kif kif !
Une belle route nous fait dominer la côte Ouest où se dressent de magnifiques villas et d’élégantes constructions (le bâtiment semble bien marcher ici, mais c’est peut-être déjà un peu tard pour acquérir dans de bonnes conditions), pour monter vers un minuscule petit port de la côte Nord, pouvant peut-être servir d’escale : LATSI. Effectivement Latsi où se construit une belle marina sera un très beau stop, à l’entrée de la péninsule d’Akamas, réputée pour les très belles promenades qu’elle offre aux trekkeurs. Le temps (chaleur et durée) ne favorisant pas les longues marches, nous nous contentons d’une courte visite aux bains d’Aphrodite (Pierre espérait secrètement la voir apparaître dans cette magnifique baie… loupé) (N.D.L.R. : Martine avait oublié son maillot !) avant de nous enfoncer dans cette très belle zone montagneuse des TROODOS.


Alors là, aucune voie ne nous résistera, asphaltée (le réseau routier de Chypre est dans l’ensemble excellent) ou pas : 250 kilomètres à serpenter entre les conifères les plus variés : pins, mélèzes, cyprès, cèdres, rivalisant avec de nombreux feuillus dont de très beaux érables. Des virages, encore des virages permettant d’admirer des panoramas de rêve. Nous montons même en haut du Mont Olympe : 1950 mètres, dominé par un important radome et offrant une vue panoramique.
Peu d’autres véhicules croisés, ce qui bien sûr, réjoui Pierre toujours angoissé lorsqu’une voiture déboule d’un virage en pleine droite !


Pour cause de tenue « indécente » (short aux genoux) Pierre ne sera pas autorisé à se joindre à moi (j’ai pu rallonger ma jupe avec un long foulard… d’un chic !!!) pour la visite du très célèbre monastère de KIKKOS dont l’icône miraculeuse (encore une) est l’objet de ferventes dévotions. Un musée présente de très beaux objets religieux que je serai la seule à avoir admirés: défense de photographier et pour être sûr de ne pas tomber sur un Pierre récalcitrant, confiscation de l’appareil photo pour la visite…
Dommage ! (à mettre au planning des achats : un de ces pantalons que l’on peut raccourcir ou allonger selon besoins, grâce à une fermeture éclair).

Heureusement à KAPOPÉTRIA, vieux village de montagne aux ruelles étroites, bordées de maisons fleuries et ornées de balcons de bois, les habitantes seront moins prudes et n’hésiteront pas à vendre confiture de prunes et cerises fraîchement cueillies à un homme, fut-il en short !!!
La descente sur Paphos nous fait quitter cette région montagneuse pour aborder la zone des vignobles, en escaliers, sur un sol rocailleux et calcaire. Le travail de la vigne ne peut y être que manuel. OMODOS est réputé pour la qualité de son vin, mais quel dédale de rues très étroites et tortueuses dont on ne se sort qu’avec difficulté (un vrai labyrinthe).


Heureusement, nous découvrons finalement l’un des viticulteurs en dehors du village et, malgré l’heure avancée, pouvons en toute quiétude jouir d’une dégustation face au panorama qu’offre sa terrasse. Étrangement, les abricotiers et pêchers pleins de fruits qui bordent cette dernière portent des étiquettes « poison »… Qui est dupe ? Nous reviendrons demain avec un ou deux cubis vides



L’autoroute nous ramène en toute sérénité jusqu’à Paphos. Vitesse limitée à 100 à l’heure et comme partout police et radars (jumelles).

14 juin 2005
« Nous l’avons échappé belle… ! »

Surprise ce matin en arrivant au parking. Le pneu avant gauche de notre voiture est à plat, crevé et la clef permettant de le changer inadéquate ! De toute façon nous n’aurions pas pu rouler avec la roue de secours de type « galette » ne permettant que de se rendre à la station service la plus proche. Encore eut-il fallu qu’il en eu une… sans doute les mauvais traitements subis hier… dire que cette mésaventure aurait pu nous arriver en pleine montagne !!! Merci Saint Christophe. Quelle bonne idée nous avons eue de souscrire l’assurance pneumatiques et pare-brise pour un supplément de deux livres !
Deux heures perdues à attendre le dépanneur du loueur (heures qui nous serons restituées le lendemain) et un beau pneu tout neuf, étrenné sur l’autoroute pour Limassol et Larnaca.
Un paysage crayeux, vallonné, où s’étalent de nombreuses cultures.
Pas d’arrêt à LIMASSOL, beaucoup trop investi pour nous (tant pis pour les maisons vénitiennes annoncées et les villas anglaises coloniales du front de mer), ni même à LARNAKA dont le front de mer ambiance fête foraine et l’intense circulation nous font fuir.
Difficile à affronter après l’isolement que nous avons connu hier et la magnificence des paysages rencontrés.


Un stop dans le beau site archéologique de KOURIA, cité royaume située en bord de mer qui présente une magnifique villa romaine « Maison d’Eustollos » avec de nombreuses pièces, des bains, généreusement ouverte au peuple par son propriétaire. Ici Aphrodite a cédé la place à Apollon.
C’est non loin, dans une zone verdoyante et vallonnée que l’armée britannique a établi l’une des deux bases qu’elle conserve encore sur Chypre… l’Angleterre en Méditerranée : habitat, pelouses pour cricket… De pauvres militaires à plaindre !
Nous avons pris soin de placer dans la voiture les cubis vides : un détour par Linos Winery, les cubis sont remplis. Retour par une route très étroite, seulement empruntée par les ouvriers agricoles : un paysage digne des Causses, des cailloux, des arbustes (ici des oliviers), de misérables fermes de tôle et d’importants troupeaux de moutons et brebis. C’est l’occasion de faire provision du fromage chypriote : l’Haloumi…


15 juin 2005
« God Save the Queen »

Zeeling nous a quitté très tôt ce matin… 160 milles pour rallier Finike… Il ne fallait pas tarder.
Notre incident pneumatique nous ayant fait bénéficier de 2h30 supplémentaires, nous pouvons, en toute quiétude, faire notre avitaillement au marché de Paphos situé sur les hauteurs de la ville. Pierre commence à se sentir très à l’aise avec la circulation à l’anglaise et se permet même de repérer le presque unique « boulanger-pâtissier » de la ville… toujours les fameux cakes du « p’tit déj » matinal !


Un beau parking, en contrebas nous permet de garer notre voiture… avec, digne de Las Vegas, un magnifique ascenseur vitré permettant d’admirer le panorama sur Paphos et la rade… (incroyable) et d’accéder sans effort à la zone commerciale. Rien de grandiose, de petites échoppes d’artisans, les étals des fermiers venus vendre leur production. Beaucoup d’animation.
12 heures, contrat rempli. Nous voici redevenus piétons…

Une animation se prépare sur l’esplanade... L’orchestre de la Royal Air Force donne un concert caritatif.
Dès 18h30 toute la colonie britannique, en tenue de soirée, prend place… un spectacle un peu hallucinant dans ce petit port, surtout lorsque tout ce beau monde se retrouve debout pour écouter le God Save the Queen. Nous avons supposé qu’ils avaient aussi joué l’hymne chypriote…
C’est bien installé dans le cockpit, devant un petit blanc, que nous avons profité de cette sérénade britannique : beaucoup de morceaux de comédies musicales sur un rythme très marqué Royal Air Force…

16 juin 2005
« Un nouveau Kataklysmos évité de justesse »

Toujours le même va et vient des barcasses de pêcheurs et l’appel des touristes par les charters : un superbe catamaran « Méditerranéo II » (une bête de compétition), une goélette étrangement nommée « Christ Adonis » et « Jolly Roger » bateau de pirate digne d’Eurodisney.
Tout ce beau monde embarque dès le matin pour ne regagner le port que dans l’après midi.
Un couple de goélands se permet même de venir roucouler sur notre ponton.
Sur l’esplanade et sur la promenade, des drapeaux ont été hissés et flottent dans le vent. Une fête se prépare : drapeaux chypriotes, drapeaux européens… mais à qui appartiennent donc ceux aux couleurs de l’Italie mais aux rayures horizontales ?
Surprise lorsque nous apprenons en ville qu’à l’occasion de la Pentecôte Orthodoxe (toujours ce décalage entre Pâques chez nous et Pâques chez les Orthodoxes), célébrée aussi sous la forme d’une fête rappelant le « Déluge », la ville de Paphos va célébrer son jumelage avec une ville d’Italie : Anzio… My god ! Une amitié mal partie !
Des italiens sont-ils passés par là, des touristes bienveillants ont-ils avertis la municipalité ?... Toujours est-il qu’à notre retour, douze hampes sont vides... Ouf ! L’incident diplomatique a été évité de justesse.
Quant à la fête appelée « Kataklysmos Fair » et donnant droit à un week-end prolongé du lundi férié (ils l’ont encore leur lundi de Pentecôte eux !) elle est à rapprocher de la fête de Shavuot en Israël, fête perpétuant le déluge et donnant le prétexte à de nombreux jeux d’eau (symbole de purification par l’eau)… même le droit d’arroser son voisin !!!

17 juin 2005
« Une clearance bon enfant »

Pour éviter une nouvelle surtaxe, nous allons faire nos formalités de sortie dans les heures de bureaux et essayer de négocier la possibilité de profiter des festivités annoncées : danses folkloriques, musique et chants… avant de lever l’ancre.
C’est là que nous réalisons que nous avons à faire à des fonctionnaires Chypriotes et non des Grecs… Pensent-ils seulement grec ? En tout cas leur anglais est très bon et tout se fait avec le sourire. Nous sommes légalement sortis du territoire... mais nous pouvons en toute quiétude profiter de la fête jusqu’à lundi soir… enfin des gens compréhensifs et de bonne nature. Difficile de comprendre cette scission avec Chypre nord (la ligne de démarcation est dite « ligne verte ». Image d’Épinal car, dans les cœurs, elle est plutôt noire !!!). Même en essayant de mettre un peu d’ordre dans l’enchaînement des faits ayant généré cette guerre, les agissements d’un certain archevêque Makarios n’ont sûrement pas été très clairs. Il est un fait que, de tout temps, Chypre a été considérée comme un point stratégique essentiel et revendiqué par bien des états… dont la Perse avec son Roi Cyprus qui a su habilement s’imposer dans la mémoire en baptisant l’île...
Ne bénéficiant plus de nos connexions High Tech de la marina d’Israël c’est dans un accueillant et performant « Internet Café » que nous envoyons et consultons nos mails en attendant de récupérer la connexion GPRS turque.

18 juin 2005
« Une soirée chypriote »

Une longue journée de paresse en attendant les festivités du soir. Aux pêcheurs se sont joints quelques plaisanciers chypriotes. Une animation familiale.


Quelques essais de sono. Tous les drapeaux sont maintenant en place, les rayures dans le bon sens. La fête peut commencer… à l’heure chypriote, c'est-à-dire avec une demie heure de retard… Deux heures de spectacle : danses chypriotes et grecques, musique et chants qui nous ont permis de nous familiariser avec une culture à laquelle les chypriotes sont très attachés. Rien d’anglais ce soir… peut-être même pas les spectateurs !!!


19 et 20 juin 2005
« Houle là, là ! »

Un dernier tour en ville et surtout à l’Internet Café, cette fois-ci pour vérifier la météo. Un départ est envisageable ce soir.
Tonny, le pêcheur ressource du port, nous souhaite bonne chance… pour cette remontée réputée pénible tant par la direction du vent que par la houle continuelle.
Toujours difficile de quitter la sécurité pour l’inconnu. Premier stade, nous déhaler de notre ponton flottant… Pourvu que l’ancre !!! Il y a un tel enchevêtrement de chaînes, cordes et corps morts au fond de l’eau. Un premier échec… Ouf ! Il ne s’agissait que du grappin d’une barcasse.

18h45 : nous commençons à longer la côte… My God ! Que cela balance ! Heureusement la contemplation du paysage fait un peu oublier l’inconfort. Peu à peu les formes s’arrondissent puis s’estompent dans la brume, les lumières s’allument.
« Mer Veille » bipe régulièrement, non pour signaler la présence d’autres bateaux ; nous sommes en fait suivis par les radars militaires, tout d’abord les grecs, puis les turcs.
Face au vent, Perkins ronronne jusqu’au changement de cap et nous permet d’apprécier cette belle nuit de presque pleine lune.
Vent de travers, le génois se gonfle… 20 nœuds, 25 nœuds, 30 nœuds… apparents. Pour la vitesse réelle, il faut ajouter les 8 nœuds d’allure du bateau. Logos surfe sur les vagues. Tout doux mon petit, nous ne sommes pas en compétition !!! Il est sage de te donner un peu moins de toile.
C’est le long des côtes turques que se lève le jour. Comment savoir ? Tout simplement à cette lèpre blanche des villages pour touristes qui ronge par secteurs les flancs des montagnes et que nous avons connue au nord de Bodrum.
Les montagnes s’élèvent, un important navire de guerre turco chypriote est en stand-by.
Nous voici devant les murailles du vieux port de Girne. À tenter malgré la présence d’une nouvelle marina dans le port de commerce et les restrictions émises par l’Imray quant à un éventuel envasement.
Toujours impressionnant de longer de hautes murailles avant de pénétrer dans ce tout petit port en fer à cheval. Des bateaux de locaux partout : pêcheurs, bateaux promenade, et puis finalement une entrée « au chausse-pied » à un appontement laissé libre par un bateau en réfection et signalé par un marin turc.



Quelle aubaine ! Nous sommes à la place de Nirvana. Top ! En plein cœur de GIRNE et déjà chouchoutés par les locaux tellement heureux que, malgré la réputation d’illégalité de cette partie de l’île (république chypriote turque), nous soyons venus leur rendre visite… (Pourvu que les ouvriers qui réparent Nirvana ne se pressent pas trop !)
Les hautes maisons aux façades garnies de balcons de bois, autrefois entrepôts pour caroubes, ont été investies par de nombreux restaurants qui donnent animation au port sans lui faire perdre son caractère.


Girne devait avoir fière allure au temps des Lusignan, gardé par son puissant château fort, maintenant musée, avec d’impressionnants mannequins de cire illustrant de façon très réaliste la disgrâce de plusieurs de ses habitants - mais surtout présentant avec beaucoup de soin l’une des plus anciennes épaves connue au monde.

 


Une vénérable dame construite dans les années 389 avant J.C et coulée à l’âge de 80 ans (magie du carbone 14 qui a permis d’analyser le bois ayant servi à la construction de ce navire marchand et sa cargaison d’amandes et d’amphores), endormie par 18 mètres de fond devant Girne jusqu’en 1965. Quelle découverte pour le pêcheur d’éponges !
Notre appontement nous permet de profiter pleinement de la vie de ce port tourné maintenant essentiellement vers le tourisme turc et anglais et d’avoir notre restaurant « Canli Balik » perso, adoptés par les serveurs dont Rahman, étudiant originaire du Bangladesh qui vient même nous porter café ou jus d’orange à bord. Une expérience nouvelle !

Une Opel Corsa, pilotage à droite, nous attend sur une petite place dominant le port. Réponse donnée à notre interrogation par la jeune loueuse : les voitures modernes ont le pilotage à droite, mais la conduite se fait aussi à droite !!! ??? Nous nous rendrons vite compte, le lendemain matin, que beaucoup de personnes ne reconnaissent toujours pas leur droite de leur gauche ! Elle en fait aussi partie. (N.D.L.R. : illusions perdues, encore une conduite à l’anglaise !).
Il faut noter qu’étant donné l’illégitimité du gouvernement de Chypre Nord et la forte occupation militaire depuis 1974, beaucoup de guides soi-disant bien pensants font l’impasse totale sur cette partie de l’île pourtant importante : 40% du territoire avec des habitants installés ici depuis bien plus longtemps que beaucoup de grecs dits chypriotes. Donc nous n’avions que très peu d’informations : monnaie, conduite…
Nous avons retrouvé notre muezzin dont la voix mélodieuse (étrangement celui-là ne semble pas souffrir) résonne au dessus du port.

21 juin 2005
« Grandeur passée »

Un dédale de petites ruelles étroites, la nouvelle ville qui semble prospère, nous voici partis pour une longue journée de conduite « à gauche ». C’est Pierre qui est content, je suis certaine qu’après un tel entraînement, il va me réclamer une visite à Londres en voiture !!!

Dès la sortie ouest de Girne, la route s’élève vers une très belle zone de montagnes.
Premier arrêt : l’Abbaye « BELLAPAIS » où abbaye de la Paix, bien nommée par les Francs (les Lusigan étaient originaires du Poitou) tant son cadre est empreint de sérénité et sa construction de style gothique très belle. C’est ici que se sont réfugiés les moines de l’Ordre de Saint Augustin après la prise de Jérusalem par Saladin (peut-être moins impressionnant mais sûrement beaucoup plus paisible !).

Une route de montagne en zone militaire « interdit de s’arrêter ! » nous mène vers un haut piton investi par un vaste château fort : « le Château de SAINT HILARION » magnifique repaire défensif pour les Lusignan. Pas un pirate arabe ne pouvait échapper à leur vigilance.



Trois niveaux, 730 mètres de dénivelé, un vrai calvaire pour les touristes « Tamalou » ! Nous ne sommes guère plus vaillants, mais la vue depuis la fenêtre de la chambre de la reine est superbe (heureusement qu’elle avait cela et ses galants. Pas question d’aller tous les jours faire du shopping !).


Après la descente, l’autoroute qui mène à Nicosie nous fait traverser une zone de plaine sans aucun charme, dédiée à la culture. Rien pour flatter le regard, et c’est avec difficulté que nous réussissons à nous extraire d’une vaste banlieue pour pénétrer dans la vieille ville. Lefkosa pour les Turcs en mémoire du roi égyptien Ptolémée Lefkos, NICOSIE pour les Francs qui en firent la capitale de l’île, ignorant qu’un jour cette ville serait partagée en deux par un mur frontière entre deux peuples autrefois amis.
Cette capitale prospère sous les Lusignan, alors si riche en églises, palais, élégantes demeures, préservée après la conquête ottomane, les bâtiments ayant été judicieusement adaptés à un nouveau mode de vie, semble aujourd’hui avoir du mal à survivre (tout au moins du côté turc) malgré les efforts de restauration en cours.


Seuls, la cathédrale gothique « Sainte Sophie », lieu où les rois francs étaient couronnés (ses tours sont aujourd’hui étrangement ornées de minarets la transformant en « Mosquée Sélimiyé » mais où est la direction de la Mecque ? Fort habilement, le vaste tapis rayé posé au sol indique aux fidèles le sens de la prière) et l’ancien caravansérail « Büyük Han » témoignent encore d’une grandeur passée.


Beaucoup de demeures en ruine, de petites échoppes closes, images d’une ville qui souffre de ce partage entre deux communautés aujourd’hui ennemies malgré, des deux côtés, son statut de capitale.
Nous regrettons de ne pas avoir aussi abordé cette ville du côté grécophone afin d’avoir une vision plus complète (un passage est parait-il autorisé jusqu’à 23 heures mais nous ne nous y sommes pas aventurés).

De Nicosie à Güzelyurt, une longue route plate bordée de boites de nuit, au milieu de nulle part. Un futur Las Végas , vision qui ne laisse rien présager de bon pour cette partie de l’île dont chacun vantait l’authenticité (nous avons appris depuis qu’effectivement boites de nuit, casinos nombreux, villas et hôtels hollywoodiens sont destinés à un tourisme turc aisé en mal de défoulement sur le continent !!!) Pauvre Chypre ! Saint Paul, saint Barnabé et tous les saints de l’île doivent en être tout bouleversés.


À GÜZELYURT, nous faisons connaissance de St. Mamas étrangement représenté chevauchant un lion avec un agneau dans les bras. Un saint que les mauvais contribuables ne devraient pas oublier d’invoquer car connu comme « Le Saint Patron des Exemptés d’impôts » mais aussi célèbre pour son pouvoir de guérison. Aucun mal aux yeux ou aux oreilles ne résiste parait-il au liquide qui suinte encore de son sarcophage. Dommage que nous n’ayons pas pu en faire provision.

Pas grand-chose au musée archéologique (une Artémis multi mamelles Éphésienne retrouvée en 1980 en mer. Tu parles d’un choc érotique) et d’histoire naturelle (animaux empaillés bien déplumés).

Le retour par la côte Ouest est plus sauvage.

Dîner chypriote au restaurant ami : mezze, poisson grillé, macarons au miel avec vue sur Logos. Large rasade de Raki offerte...

23 juin 2005
« Vous avez dit « Marina ? »

En route pour FAMAGUSTA « Gazimagusa », port à l’est de l’île, juste en face de la Syrie. Autrefois importante étape sur la route de Jérusalem, puis comptoir commercial et financier revendiqué par de nombreux états.
Aujourd’hui une cité pleine de charme dont la vieille ville enclose derrière ses hauts remparts vénitiens continue de vivre et offre au regard de beaux vestiges de l’époque franque :
360 églises (???) dont beaucoup sont en ruines : St Georges des Grecs, St Georges des Latins. St. Pierre et St. Paul (toujours unis ces deux là), où s’ébattent pigeons et enfants peut-elle espérer une sauvegarde dont elle est digne ?




Seule une mutation en mosquée eut pu sauver ces églises comme cela fut le cas pour la cathédrale St. Nicolas ressemblant étrangement à la cathédrale de Reims et devenue la mosquée Lala Mustafa Pacha avec l’apport d’un discret minaret sur une tour.
Une fois de plus, contrairement à d’autres envahisseurs, les Ottomans ont su préserver le patrimoine local.
Près du port, les ruines de l’ancienne citadelle destinée à protéger ce dernier, un véritable arsenal cher aux Lusignan puis aux Vénitiens. On dit que Léonard de Vinci aurait, sur place, prodigué ses sages conseils aux architectes.
Beaucoup d’activité dans cet important port de commerce où sont importés les matériaux et denrées nécessaires à la survie de Chypre Nord. Timidement, nous nous faufilons entre tous ces gros camions dont le ballet est impressionnant, à la recherche d’une éventuelle marina ou appontement d’escale possible... marina ? Personne ne semble connaître… peut-être au fond du port ?


Nous en frémissons encore ! Une zone glauque avec un appontement de planches disloquées… visiblement, à moins d’urgence, il vaut mieux s’abstenir et aller à Larnaka. Parmi les bateaux locaux, un voilier remontant d’Israël s’est glissé… nécessité technique, gratuité ? Le chantier naval du Frioul était très chic en comparaison ! Sans doute peu de voiliers y feraient escale pour justifier l’investissement d’une marina.
Famagusta est une ville frontière, c’est donc le long de la côte nord que nous remontons, admirant au passage le Monastère de St. Barnabé, juif chypriote converti, compagnon de St. Paul, lapidé par les siens, et, surtout, ce très beau site archéologique de SALAMIS, riche cité dès le VIIIe siècle avant JC, important port de commerce grec, à l’égal d’Alexandrie, Antioche, Éphèse ou Athènes... détruit par un tremblement de terre, reconstruit par Constantin, attaqué par les arabes.


Devant nos yeux, de très beaux vestiges : théâtre, tombeaux, bains, un imposant gymnase bordé de hautes colonnes et fait rare, présence de quelques statues.

La route envisagée pour le retour sur Girne passe par une péninsule, fort heureusement préservée (réserve naturelle). Nous n’osons imaginer ce que deviendrait ce bord de mer s’il avait été livré aux investisseurs… pourvu que, longtemps encore, le regard puisse s’attarder sur cette côte sauvage bordée d’un maquis au thym odorant (nous n’avons pas pu résister à en faire un petit bouquet pour Logos).

300 kilomètres parcourus avec de belles images engrangées mais aussi la crainte que cette partie de l’île ne perde rapidement son âme en dépit de la gentillesse de ses habitants et de son passé. La lèpre d’un tourisme envahissant semble beaucoup plus difficile à juguler que celle qui sévissait au Moyen Age. Le bacille s’appelle maintenant profit et nul remède n’en viendra à bout.

Bénéficions ce soir de l’animation familiale du port de Girne et de l’accueil chaleureux qui nous y est réservé…

24, 25, 26 juin 2005

« Dolce vita chypriote»

Nous nous laissons envahir par la douceur de vivre chypriote, au rythme de l’animation des restaurants, des bateaux et des touristes nonchalants… Et il faut bien rédiger ces écrits !
Nous serions tentés de ne voir en Chypre qu’une île célèbre pour son soleil, ses fleurs, ses plages et d’oublier que, sous une façade riante, Chypre souffre de n’avoir jamais trouvé une réelle identité. Annexée maintenant par les turcs au Nord, au Sud, du côté des grécophones, reconquise sournoisement par les britanniques, pourra-t-elle un jour graver sur son sol unifié une belle mosaïque de toutes ces cultures ?

Chypre restera pour nous une très belle escale où l’accueil est remarquable de gentillesse, tant au Nord qu’au Sud